L’objectif de ce programme de recherche, porté par Julien Ancelin, Maître de conférences à Université Côte d’Azur, est de questionner les discours de politique étrangère qui mobilisent le droit international et les conditions dans lesquelles le droit est instrumentalisé en support d’objectifs politiques.
Le concept pivot du programme, soutenu par l’Académie 5 de l’IdEX, - le lawfare – constitue un objet d’étude émergent dans le champ de la science politique, et il encore l’objet d’études très rares dans le champ de la science juridique.
La politique juridique extérieure de la France place le droit international au centre des valeurs qu’elle véhicule. Depuis que son étude a été initiée par la doctrine à la fin des années 70, cette politique a connu diverses variations sous l’effet de changements multiples : extension du domaine du droit international, approfondissement des schémas normatifs d’intégration européenne, affermissement puis remise en cause des outils de la gouvernance mondiale, etc. Néanmoins, la promotion du droit international comme facteur de stabilisation de l’ordre international demeure invariante.
Dans le même temps, les crises multiples dont souffre l’ordre international ont entrainé le développement de discours mettant en cause le droit international en tant qu’instrument de régulation des comportements. Le lawfare en constitue un exemple particulièrement marquant.
D’où vient le terme Lawfare ?
Depuis son introduction dans la littérature scientifique occidentale en 2001 par le Général de l’armée américaine Charles Dunlap, cet anglicisme, contraction de law et warfare, ne fait pas l’objet d’un consensus. Décrit de manière large, il désigne l’utilisation du droit comme un substitut à des moyens militaires traditionnels. Entendu au sens descriptif, le lawfare recouvre une multiplicité de pratiques et de domaines visant à tirer parti des normes au moyen de stratégies de lobbying exercées en direction des décideurs politiques, d’influence sur l’opinion publique ou sur les médias, de pressions exercées sur des organisations non gouvernementales, gouvernementales ou internationales, d’utilisation des enceintes juridictionnelles pour poursuivre un but politique.
Ce concept est apparu dans un contexte de remise en cause de la mondialisation. Cette dernière a entrainé d’importantes évolutions pour l’ordre international contemporain et son droit (tels que l’extension de ses domaines, la redéfinition de ses cadres d’action et la diffusion des effets de ses remises en cause, l’extension d’une forme de judiciarisation des rapports entre acteurs) qui connaissent aujourd’hui de multiples crises. Les oppositions contemporaines propices à la réémergence de conflits majeurs entrainent une augmentation des accusations d’utilisation stratégique du droit international. Cette tendance décrit les mésusages dont il est l’objet mais participe également à jeter le trouble sur sa promotion. En invoquant le lawfare dans un conflit, ses promoteurs participent tant à décrire des situations dysfonctionnelles dans l’application du droit international positif qu’à délégitimer l’intérêt de la norme comme facteur de pacification des relations internationales.
Quelle première définition donner au terme Lawfare ?
Pris dans un sens normatif, le lawfare qualifie une pratique qui consisterait à utiliser le droit à des fins stratégiques dans un rapport conflictuel afin d’en délégitimer l’application et de se défaire de l’obligatoriété de ses prescriptions. Le lawfare sert alors à dénoncer un usage illégitime du droit et son emploi vise à faire de l’outil juridique un élément de l’équation politique au même titre que d’autres intérêts. Il n’est pas neutre et oriente le débat. Tout d’abord perçu dans le cadre des rapports de belligérance, le terme sort aujourd’hui de son premier cercle descriptif d’emploi pour devenir un moyen de critique politique dans des contextes hétérogènes (mobilisations sociales, judiciarisation de la politique…)
Face aux instrumentalisations du droit international et aux critiques qu’elles renferment (et dont le lawfare constitue un avatar), il apparait nécessaire de proposer une étude dédiée à ce phénomène. Cette dernière aura pour fonction de déconstruire les mécaniques qui sont à l’œuvre et de proposer une réaction aux situations d’instrumentalisation et aux positions retenues par les Etats qui les invoquent (alignement, opposition, nouvelle voie). Si le droit international constitue un domaine placé au centre de la politique extérieure de la France, sa promotion ne peut s’appuyer que sur une compréhension fine des négations dont il peut faire l’objet et sur une capacité renouvelée à réagir à ses instrumentalisations.
- Un premier séminaire de recherche : Le Lawfare, s’est déroulé le 15 mars 2022 à Université Côte d’Azur
- Une journée d'étude sur Les instrumentalisations sectorielles du droit international - 5 octobre 2023
- Une conférence : Guerre et Écologie, dirigée par Adrien Estève, MCF en science politique à Université Clermont Auvergne - 7 octobre 2024
- Une conférence : Le soldat augmenté - Dialogue interdisciplinaire - Intervenants : Pierre Bourgois, MCF, Université catholique de l'Ouest, Ugo Bellagamba, MCF, HDR, Université Côte d'Azur et Julien Ancelin - 10 janvier 2025
Ce travail bénéficie d'une aide du gouvernement français, gérée par l'Agence Nationale de la Recherche au titre du projet Investissements d’Avenir UCAJEDI portant la référence n° ANR-15-IDEX-01
This work has been supported by the French government, through the UCAJEDI Investments in the Future project managed by the National Research Agency (ANR) with the reference number ANR-15-IDEX-01